Christine Ducasse, Notaire à Rennes
Quand abordez-vous le sujet des clauses bénéficiaires avec vos clients ?
C’est systématique lorsque nous avons un rendez-vous à vocation patrimoniale et que nous faisons le point sur l’existence d’une assurance vie. Dans la très grande majorité des cas, la personne concernée ne sait pas comment est rédigée sa clause bénéficiaire, et peut même ne pas se rappeler qui est le, ou la, bénéficiaire de son contrat…
Après vérification, je suis toujours surprise par le nombre de clauses, environ 70 %, qui ne sont pas adaptées aux attentes du client et à sa situation familiale, sans parler de l’aspect fiscal.
Quelle est le type de clause que vous rencontrez le plus souvent ?
La clause usuelle qui figure dans la plupart des contrats, autrement dit la formulation suivante : « mon conjoint, ou à défaut mes enfants, ou à défaut, mes héritiers ». Or il faut, par exemple, savoir qu’en droit français, le terme conjoint signifie époux, ou épouse, et ne s’applique pas à une personne pacsée.
Lorsque vous faites le point sur une clause bénéficiaire à quoi êtes-vous particulièrement attentive ?
Comme on vient de le voir avec la subtilité juridique autour du terme « conjoint », les nouvelles formes de matrimonialité – concubinage, PACS… – sont particulièrement problématiques.
Mais les familles recomposées sont aussi source de questions spécifiques. Comment fait-on pour protéger son compagnon de vie et/ou pour lui transmettre son patrimoine en cas de décès ? Comment avantager un enfant par le biais d’une assurance vie ? Comment transmettre à l’enfant de son conjoint sans avoir à l’adopter ? etc.
« 70 % des clauses bénéficiaires ne sont pas adaptées. »
Parmi la panoplie des solutions que vous pouvez proposer à vos interlocuteurs, mettez-vous en avant des formules intéressantes, mais mal connues ?
Oui, je pense notamment aux clauses bénéficiaires démembrées. Lorsque le contrat d’assurance vie est délivré sous forme de liquidités, cette solution peut être très intéressante fiscalement.
Le principe est le suivant : le conjoint est désigné bénéficiaire de l’usufruit du contrat et les enfants sont désignés bénéficiaires de la nue-propriété.
Le conjoint peut donc utiliser les fonds comme bon lui semble et, lorsqu’il décède, les enfants peuvent percevoir les liquidités restantes et bénéficient d’une créance de restitution dans sa succession ce qui réduit les droits de succession. Il est même possible de sauter une génération en attribuant la nue-propriété à ses petits-enfants…
Quel conseil donneriez-vous aux adhérents d’AMPHITÉA concernant ces clauses bénéficiaires ?
Faites d’abord le point sur la clause bénéficiaire de votre contrat d’assurance vie, en vérifiant sa rédaction et la date d’ouverture du contrat qui détermine sa prise d’effet et son régime fiscal. Ayez bien présent à l’esprit que les capitaux versés avant vos 70 ans donnent droit à un abattement fiscal de 152 500 euros par héritier.
Faites aussi le point sur votre régime matrimonial. Surtout, révisez régulièrement vos clauses bénéficiaires pour tenir compte des événements de votre vie : mariage, divorce, décès, etc.
Sachez également que vous pouvez déposer votre clause bénéficiaire chez votre notaire, particulièrement compétent pour vous accompagner dans vos réflexions patrimoniales. En cas de modification, un simple codicille sera nécessaire.