En quoi l’assurance vie dispose-t-elle d’un statut spécial ?
Antoine Van Horenbeeck, Chef de projet à la direction marketing du groupe AG2R LA MONDIALE
Le contrat d’assurance vie constitue l’application d’un mécanisme juridique particulier qui est la stipulation pour autrui au mécanisme de l’assurance. Il est considéré de ce fait comme « un bien spécial, régi par un droit spécial ».
L’attribution d’un capital constitué à un bénéficiaire désigné présente quatre grandes caractéristiques.
Premièrement, il permet de transmettre un capital ou une rente hors succession avec une fiscalité avantageuse.
Il permet ensuite d’échapper, dans une certaine limite, aux règles civiles de la dévolution successorale. Troisièmement, il permet d’assurer l’insaisissabilité du capital.
Enfin, il permet l’attribution au conjoint d’un capital qui sera considéré comme un bien propre, même si le contrat a été financé par la communauté.
Quelle est la fiscalité en cas de décès ?
La fiscalité spécifique de l’assurance vie s’est complexifiée au fil du temps et des réformes imposées par le législateur. Elle est calculée en fonction de trois types de critères qui peuvent se combiner : la date de souscription du contrat, la date de versement des primes, l’âge du souscripteur.
LA DATE DE SOUSCRIPTION DU CONTRAT
C’est la date du 20 novembre 1991 qui constitue un premier repère.
Les contrats souscrits avant ou après cette date sont soumis à deux régimes différents.
LA DATE DE VERSEMENT DES PRIMES
Cette fois, c’est la date du 13 octobre 1998 qui est à prendre en compte.
Là encore, deux régimes fiscaux différents selon que les primes ont été versées avant ou après cette date butoir.
L’ÂGE DE L’ASSURÉ
Les primes versées avant ou après le 70e anniversaire de l’assuré ne sont pas soumises aux mêmes règles fiscales et aux mêmes plafonds d’exonération.
Il faut surtout retenir, pour les contrats nouveaux ou en cours, que les primes versées avant 70 ans et depuis le 13 octobre 1998 bénéficient :
– d’une exonération de prélèvement de 0 à 152 000 euros,
– d’un prélèvement de 20 % de 152 000 à 852 000 euros,
– d’un prélèvement de 31,25% au delà de 852 000 euros.
Les primes versées après 70 ans bénéficient d’une exonération de prélèvement jusqu’à 30 500 euros. La partie des primes supérieures à ce plafond est réintégrée dans la succession et soumise aux droits de succession classiques. Cette mesure a été prises par le législateur pour empêcher l’évasion fiscale de dernière minute.
À noter que l’abattement de 30 500 euros est global. Si l’assuré a souscrit plusieurs contrats, il s’applique à la totalité des primes versées après 70 ans, quel que soit le nombre de bénéficiaires désignés. Dans le cas de plusieurs bénéficiaires, l’abattement est réparti entre eux au prorata de la part qui, leur revient.
À noter que l’abattement de 152 500 euros pour les primes versées avant 70 ans s’applique par bénéficiaire pour tous les capitaux perçus au titre du décès d’un assuré, du même assureur ou de plusieurs assureurs.
Comment se détermine le bénéficiaire ?
La détermination du bénéficiaire est un droit personnel du souscripteur qui peut procéder à sa désignation et à sa révocation. Ce bénéficiaire peut être un proche ou un tiers.
Au-delà du testament et du don, l’assurance vie est le seul contrat en France qui permet de transmettre un capital à un tiers.
La rédaction de la clause bénéficiaire doit être faite avec précaution (lire plus bas Comment bien rédiger la clause bénéficiaire de son contrat ?).
Quel est l’impact pour la transmission ?
Dès lors qu’un bénéficiaire a été désigné, les sommes épargnées ne font pas partie de la succession de l’assuré.
L’assurance vie permet en effet de passer outre les règles de succession prévues par la loi (réserve héréditaire, quotité disponible) selon l’ordre des héritiers en présence.
Toutefois, afin d’empêcher un assuré de déshériter totalement ses enfants en transformant tout son capital en assurance vie, cet avantage est accordé avec une limite : l’assuré ne doit pas avoir versé « des primes manifestement exagérées ».
La loi ne prévoit pas de seuil formel et c’est donc aux juges qu’il appartient d’interpréter cette formule en cas de contentieux soulevé, soit par l’administration fiscale, soit par un héritier qui s’estimerait lésé.
Quelle protection procure l’assurance vie en cas d’endettement ?
Un créancier ne peut pas prélever sur un contrat d’assurance vie les sommes qui lui sont dues. Cette règle, qui fait partie des grands avantages de l’assurance vie comprend toutefois des exceptions. L’insaisissabilité peut par exemple être annulée si le montant excessif des primes laisse supposer que l’assuré a voulu organiser son insolvabilité.
Un autre cas est institué par la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement qui prévoit que les aides sociales récupérables peuvent être soustraites, après le décès de l’assuré, du capital de son assurance vie pour le montant des primes versées après 70 ans seulement.
Comment bien rédiger la clause bénéficiaire de son contrat ?
Si le bénéficiaire d’un contrat n’est pas déterminé ou est mal déterminable, l’assurance est considérée comme étant faite sans désignation bénéficiaire. Le plus grand soin doit donc être apporté à la rédaction de cette clause.
DÉTERMINATION DU BÉNÉFICIAIRE
Une majorité de contrats sont assortis de clauses standard qui ne prêtent généralement pas à confusion. Mais les clauses rédigées librement peuvent employer des termes pas suffisamment précis pour désigner le bénéficiaire, ce qui risque de générer des déconvenues.
Par exemple le terme “mon conjoint” concerne exclusivement l’époux ou l’épouse lié(e) par les liens du mariage et non pas le partenaire d’un Pacs ou le concubin.
L’ACCEPTATION DU BÉNÉFICIAIRE
Lorsque le bénéficiaire d’une assurance vie en accepte formellement le bénéfice (le souscripteur doit alors en prendre acte), la désignation devient irrévocable et définitive. Le capital est alors bloqué et l’assuré ne peut faire une demande de rachat, d’avance ou de nantissement qu’avec l’accord du bénéficiaire.
LE CHANGEMENT DE BÉNÉFICIAIRE
Si le bénéficiaire n’a pas accepté le bénéfice du contrat, le souscripteur peut le révoquer et désigner quelqu’un d’autre.
LES CLAUSES SPÉCIFIQUES
Une clause peut être assortie de charges ou d’obligations s’imposant au bénéficiaire : reverser par exemple les fonds sur une assurance vie de même nature, utiliser les fonds pour payer des droits de succession, mise à disposition du capital à la majorité du bénéficiaire dans le cas d’un mineur.
Le souscripteur peut aussi imposer une sortie en rente afin d’éviter au bénéficiaire de dilapider le capital…
LE DÉMEMBREMENT DU CAPITAL DÉCÈS
Démembrée, l’assurance vie permet, lors du décès de l’assuré, de verser le capital en usufruit à un premier bénéficiaire (dit quasi-usufruitier) et en nue-propriété à un autre bénéficiaire.
Au décès du quasi-usufruitier, le nu-propriétaire possède une créance exigible dans la succession de celui-ci du montant du capital perçu. Ce démembrement permet fiscalement de réduire encore les droits de succession.
Sous peine de requalification d’abus de droit fiscal, il ne peut être envisagé que dans le cadre familial. Il est incompatible avec une sortie en rente.
LA MISE À JOUR DE LA CLAUSE
La clause bénéficiaire doit être mise à jour régulièrement, afin de s’assurer que la volonté du titulaire du contrat n’a pas été remise en cause par un événement de la vie.
Dans le cas d’un divorce par exemple, la mention “mon conjoint” devient caduque.
Mais s’il y a eu remariage, c’est la nouvelle épouse qui acquiert la qualité de bénéficiaire.
Autre exemple : dans le cas où le bénéficiaire décède avant l’assuré, les capitaux sont réintégrés dans le patrimoine de l’assuré et attribués aux héritiers qui devront alors supporter les droits de succession.