Des lois françaises et des directives européennes imposent aux assureurs un formalisme pesant pour leurs clients. Brigitte Villette, directrice de la gestion individualisée au sein d’AG2R LA MONDIALE, analyse le phénomène.
La souscription d’un contrat, son rachat en cours de vie, sa liquidation… génère de la part des conseillers qui réalisent ces prestations une prise d’information auprès des clients que ceux-ci peuvent parfois trouver un peu inquisitrice.
Brigitte Villette, directrice de la gestion individualisée au sein d’AG2R LA MONDIALE
Comment l’expliquer ?
Depuis quelques années, nous assistons à un renforcement de la réglementation, ce qui conduit à un alourdissement de nos process et peut donner, en effet, à nos clients l’impression que nous nous immisçons de façon abusive dans leur vie privée.
Mais ces contraintes réglementaires que nous devons imposer à nos interlocuteurs – tout comme les banquiers ou les notaires – nous sont dictées par des lois françaises ou des directives européennes et ne sont pas négociables. Les manquements à ces règlementations sont passibles d’amendes que nos autorités de tutelle peuvent nous infliger…
C’est arrivé à plusieurs assureurs ces dernières années, particulièrement sur le sujet de la lutte contre le blanchiment.
Pourquoi ces contraintes réglementaires ?
Elles ont été édictées dans des buts tout à fait louables, au regard de l’intérêt général. On distingue quatre grandes thématiques : la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, la lutte contre la déshérence des contrats, la lutte contre la fraude fiscale, ainsi que le renforcement du conseil que nous devons donner à nos clients et de sa traçabilité.
Une attention particulière pour les personnes politiquement exposées.
Que demandez-vous concrètement à vos clients ?
Nous avons besoin de connaître leur état-civil précis, de savoir quels sont leur métier, leurs revenus, leur situation familiale, leur résidence fiscale… mais aussi le motif de la prestation demandée – un rachat par exemple – ou encore l’origine des fonds qu’ils versent sur leurs contrats… Nous sommes aussi amenés à collecter des pièces pour confirmer l’identification de nos clients par exemple.
Que faites-vous de ces renseignements ?
Contrairement à ce que certains pensent, nous ne stockons pas ces informations pour les utiliser ultérieurement dans un but commercial.
Concernant la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, nous devons pouvoir identifier les personnes à risques et voire même dans certains cas les signaler aux autorités. Cela nous oblige à classifier ces risques et à appliquer des niveaux de vigilance.
Par exemple, les personnes politiquement exposées doivent faire l’objet d’une attention particulière dans le cadre de la lutte anti blanchiment…
Concernant la fraude fiscale, la loi FICOVIE applicable depuis 2016 nous oblige à déclarer chaque mois au fisc français tous les contrats souscrits ou dénoués, sous peine d’amende pour défaut d’information…
FATCA est un autre règlement fiscal qui nous impose de déclarer aux États-Unis nos clients américains et les contrats qu’ils détiennent. Si l’un d’eux ne renseigne pas cette rubrique dans nos formulaires, il est considéré comme récalcitrant, donc suspect… L’Europe a décliné une réglementation équivalente avec l’Échange Automatique d’Informations.
Qu’en est-il de la lutte contre la déshérence des contrats ?
Là encore, il s’agit de contraintes imposées progressivement ces dernières années pour obliger les assureurs à prendre des dispositions afin de limiter le nombre de contrats d’assurance vie dont les fonds ne sont pas versés aux bénéficiaires lors du décès ou du terme du contrat de l’assuré.
Chaque année nous envoyons donc aux clients concernés un questionnaire pour nous assurer que leurs données personnelles inscrites dans nos bases sont exactes et complètes et nous permettront de prendre contact avec eux le moment venu. Il est important de remplir ce questionnaire !
Un conseil doit pouvoir être « traçable » dans le temps.
Cela veut dire que cette prise de renseignements s’étale sur toute la durée des contrats ?
Oui, c’est un point très important. Plusieurs réglementations, en particulier la lutte contre le blanchiment des capitaux et la Directive de Distribution d’Assurance, sont basées sur ce principe de connaissance actualisée de nos clients.
L’application de la DDA suppose de pouvoir s’assurer que le conseil prodigué à la souscription est toujours adapté à la situation (professionnelle et personnelle) de notre client et répond encore à ses besoins. Un changement de statut dans la vie professionnelle d’un client, par exemple, peut justifier une adaptation de son contrat d’assurance et nous devons tracer le conseil que nous aurons revu à cette occasion.
LES ABRÉVIATIONS À CONNAÎTRE
Vous allez peut-être rencontrer ces sigles dans les questionnaires liés à la vie de vos contrats. Voici leur signification.
ACPR : autorité de contrôle prudentiel et de résolution
DDA : directive distribution en assurance
EAI : échange automatique d’informations (déclinaison européenne de FATCA)
FATCA : Foreign Account Tax Compliance Act
FICOVIE : fichier des contrats d’assurance vie
LCB – FT : lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme