Un système d’entraide collective et obligatoire
Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, la France est exsangue et ses citoyens bien seuls face aux difficultés. Des retraités sans retraite et donc des vieux très pauvres, une mortalité infantile importante, des logements à reconstruire, un situation sanitaire peu enviable… en 1945, on se soigne quand on en a les moyens, on subit le chômage sans filet de sécurité et on ne fait généralement pas de vieux os quand on arrête de travailler…
Initiées par le Conseil national de la Résistance, les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 vont tout changer en instituant un système national d’entraide collective et obligatoire sans précédent dans l’histoire du pays. Un système basé sur deux principes fondateurs qui font encore aujourd’hui la spécificité de la Sécurité sociale à la française : la solidarité et la répartition.
Cette redistribution entre actifs et non actifs, bien portants et malades, riches et moins riches, va ainsi permettre de protéger tout le monde contre les risques de l’existence aux moments les plus critiques de la vie : maladie, chômage, accidents du travail, maladies professionnelles, vieillesse ou handicap.
Une transformation sociale en plusieurs étapes
Pour mesurer l’importance de la révolution sociale engagée en 1945, il suffit de comparer notre système de santé avec celui des Etats-Unis par exemple. Un pays où l’accès aux soins est conditionné par le niveau de prise en charge que vous avez pu financer auprès de votre assurance santé privée, où le niveau de retraite dépend largement de l’argent qu’on a pu épargner à titre individuel tout au long de sa vie.
Mais, même si elle est souvent symbolisée par la carte Vitale, la Sécurité sociale ne se limite pas en France à la santé. Quelques dates clé marquent les 75 ans de transformation sociale que nous venons de vivre. En 1958, c’est l’assurance chômage qui a été mise en place. En 1970, la « Sécu » s’adapte aux évolutions de la société avec le droit à la contraception, le droit à l’avortement, la parité salariale ou encore la loi sur le divorce.
En 1988, on crée le Revenu Minimum d’insertion (RMI) qui deviendra ensuite le Revenu de Solidarité Active (RSA). En 1999, la Couverture Médicale Universelle (CMU) permet l’accès aux soins aux personnes non couvertes par le régime général de la Sécurité sociale, la Mutualité Sociale Agricole (MSA) ou le Régime Social des Indépendants (RSI).
Des succès majeurs
Plus récemment encore, à l’été 2020, c’est le risque dépendance qui est ajouté dans le panier de la Sécu avec la création d’une cinquième branche dédiée à l’autonomie.
Faisant le bilan en 2015 pour les 70 ans de l’institution, Pierre Laroque, considéré comme le père des ordonnances de 1945, notait trois succès majeurs à mettre au crédit de la Sécurité sociale : un sentiment de sécurité, l’amélioration de la santé et la hausse de la natalité.
Les chiffres lui donnent raison. En 2015, l’espérance de vie avait augmenté en France de 15 ans depuis 1950, la mortalité infantile avait été divisée par 16, 90 % des retraités étaient sortis de la pauvreté et tout le monde pouvait prétendre à des soins médicaux de haute qualité.
Un déficit durable
Reste un point noir : le déficit financier du système.
C’est en 2001 que le budget de la Sécurité sociale a été excédentaire pour la dernière fois. Depuis, il cumule les déficits, sous l’effet, principalement de l’allongement de la durée de la vie et du développement de soins de plus en plus pointus et coûteux. Parmi les cinq branches (maladie, famille, accidents du travail, vieillesse et autonomie) c’est d’ailleurs celle consacrée à la maladie qui est la plus mauvaise élève.
En clair, la “Sécu” dépense plus qu’elle ne rentre de recettes (*). Récurent depuis presque 20 ans, le phénomène n’a été endigué, ni par la création de la Contribution Sociale Généralisée (CSG) en 1990, ni par celle de la Contribution à la Réduction de la Dette Sociale (CRDS), ni par les efforts déployés chaque année par le gouvernement pour contenir les dépenses de santé. Une embellie s’annonçait cependant avec l’espoir de résorber le déficit en 2023. Mais la crise sanitaire du COVID-19 a jeté bas les prévisions optimistes et tous les experts s’accordent à dire que le déficit sera… durable.
(*) On compte six catégories de recettes : les cotisations sociales (54 %), la CSG (26 %), les impôts, taxes et autres contributions sociales (11 %), les transferts nets (5 %), les contributions publiques (2 %) et des recettes diverses (2 %).
75 ans de Sécurité sociale en chiffres
Le contenu des six modules aborde l’environnement de la protection sociale, la couverture des risques sociaux, les cotisations obligatoires et facultatives.
- 59 millions de personnes couvertes par le régime général de la Sécurité sociale, 3 millions couvertes par la MSA et 4 millions par le RSI
- 14,5 millions de retraités assurés (au 31 décembre 2019)
- 18,6 millions de salariés assurés contre les risques professionnels
- 6,8 millions de familles percevant des prestations familiales (enfant handicapé, accueil jeune enfant, logement, famille…)
- 3,9 millions de bénéficiaires du RSA
- 2,2 millions de bénéficiaires de la CMU (4,7 millions pour la CMU complémentaire)
- 1 800 feuilles de soins électroniques traitées chaque minute
- 95 % des déclarations et démarches des entreprises effectuées via Internet
- 75 % des Français satisfaits du service public de la Sécurité sociale
Il y a cinq ans, pour les 70 ans, la Sécurité sociale a réalisé cette vidéo.
Si les chiffres ont évolué depuis, l’esprit de l’institution et son histoire restent les mêmes.