Figure centrale des cultures ultra-marines dans les trois océans, la femme y a une conscience aigüe des besoins de protection de la famille. Joël Destom, Directeur Paris-Ile-de-France d’AG2R LA MONDIALE et guadeloupéen d’origine, nous explique pourquoi.
Joël Destom, Directeur Paris-Ile-de-France d’AG2R LA MONDIALE
La protection sociale doit-elle être appréhendée d’une manière spécifique dans les départements et régions d’outre-mer ?
En matière réglementaire, elle est identique à celle qui s’applique sur le territoire métropolitain. Néanmoins, les collectivités d’outre-mer et les collectivités à statut particulier du Pacifique disposent d’une véritable compétence en matière de protection sociale et les prestations sont gérées par des organismes indépendants.
De plus, quel que soit le territoire, l’approche client développée par un assureur, doit tenir compte de caractéristiques telles que la résilience induite par le rapport aux risques majeurs (cyclones, éruptions volcanique, tremblements de terre, etc.), la diversité des parcours de vie des ultramarins ou encore l’influence et le rôle des femmes, notamment dans le développement économique de leur territoire.
Cette dernière caractéristique est suffisamment singulière pour relever un trait saillant de la protection sociale et patrimoniale dans les outre-mer.
D’où vient cette place si particulière de la femme
Le fait que la femme soit une figure centrale dans la plupart des cultures des trois Océans est un phénomène à la fois historique et culturel. Le matriarcat constitue un modèle répandu et parfois même une véritable institution traditionnelle et il n’est pas rare que la femme ait une forte autorité dans la sphère domestique et privée.
Pouvez-vous illustrer ce propos ?
Certaines îles polynésiennes, comme Maiao dans l’archipel de la Société, considéraient comme étrangère toute personne n’ayant aucune filiation maternelle avec une habitante vivante ou décédée de l’île.
À Mayotte, l’organisation sociale demeure fondée sur deux piliers : la matrilinéarité, d’une part, puisque la filiation se définit dans la lignée maternelle, et la matrifocalité, d’autre part, puisque la famille réside chez la mère qui détient le patrimoine et en assure la transmission héréditaire.
Aux Antilles, le matriarcat est également traditionnellement prévalant, avec un système d’organisation familiale centré sur l’autorité maternelle au sein du foyer. C’est la femme “potomitan”, terme qui désigne un poteau central et qui est passé dans le langage courant.
« Les femmes en Outre-mer ont une conscience aigüe des besoins de protection de la famille. »
La société moderne a-t-elle renforcé ou atténué ce phénomène ?
Ce phénomène est accentué par les dynamiques économiques et sociales du monde moderne. Le phénomène du développement de la monoparentalité, prégnant outre-mer, confère aux femmes de grandes responsabilités dans les domaines de l’éducation et l’économie domestique auxquels sont souvent rattachées les questions de protection sociale et patrimoniale.
Ainsi en 2011, selon l’Ined, les familles monoparentales avec enfant de moins de 25 ans représentaient 25 % des familles de métropole avec à leur tête 85 % de mères. Cette proportion était largement supérieure à la Martinique (54 %), à la Guadeloupe (51 %), en Guyane (46 %) et à La Réunion (38 %).
Et dans le domaine public ?
Les femmes, qui sont très investies dans l’univers associatif qui tisse un maillage social serré dans les territoires ultramarins, étendent naturellement leur influence vers les sphères politiques et économiques. Au-delà de l’économie domestique, elles sont de plus en plus décisives pour la structuration de l’économie entrepreneuriale.
Pour toutes ces raisons, les femmes en Outre-mer ont une conscience aigüe des besoins de protection de la famille et ce sont souvent elles qui vont apporter une contribution décisive au processus de décision finale dans la mise en place de solutions de protection. Un assureur ne peut pas négliger cette caractéristique dans l’approche développée pour contribuer au renforcement de la protection sociale et patrimoniale de la famille en Outre-mer.
L’Outre-mer, c’est quoi ?
La réforme constitutionnelle de 2003 a établi les catégories suivantes en Outre-mer :
- Les départements et régions d’outre-mer (DOM-ROM) qui sont la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, la Réunion et Mayotte
- Les collectivités d’outre-mer (COM) qui sont la Polynésie française (qui a la dénomination particulière de « pays d’Outre-mer »), Saint-Pierre et Miquelon, Wallis et Futuna, Saint-Martin et Saint-Barthélemy
La Nouvelle Calédonie et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), qui possèdent chacune des particularités. Elles sont dites sui generis car elles ne correspondent à aucune des catégories juridiques des collectivités existantes
Pour en savoir plus
Lire AMPHITÉA Magazine, page 9