LA FISCALITÉ POUR LES PARTICULIERS
TVA
Désirant éradiquer le capitalisme et exproprier la bourgeoise pour donner le pouvoir aux travailleurs (sic) Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière) entend supprimer la TVA si elle est élue.
Plus modéré, Fabien Roussel (Parti communiste) ne propose qu’une baisse. Encore plus réalistes, d’autres candidats se contentent d’appeler de leurs vœux une baisse ciblée : hydrocarbures pour Jean Lassale (Résistons), produits de première nécessité pour Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), énergie pour Anne Hidalgo (Parti socialiste), consommation électrique pour Valérie Pécresse (Libres ! Les Républicains), ou encore transports collectifs et services de réparation pour Yannick Jadot (Europe Écologie Les verts). Ce dernier veut aussi augmenter la TVA de 20 % pour les transports polluants et l’amener à zéro pour l’alimentation biologique.
Impôt sur le revenu
Gros morceau traditionnel de la fiscalité en France, l’impôt sur le revenu fait l’objet de plusieurs propositions.
Marine Le Pen (Rassemblement national) veut le supprimer pour les jeunes de moins de 30 ans et instituer une part fiscale complète dès le 1er enfant.
Alors qu’Éric Zemmour (Reconquête !) entend doubler le plafond du quotient familial, Jean-Luc Mélenchon veut augmenter le nombre de tranches pour mieux taxer les riches.
Dans le même esprit, mais un peu plus jusqu’au-boutiste, Philippe Poutou (Nouveau parti anticapitaliste) veut créer une nouvelle tranche de 100 % pour les revenus dépassant cinq fois le Smic.
IFI
Créé pour remplacer l’Impôt de solidarité sur la fortune (IUSF), l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI) ne serait pas supprimé par Valérie Pécresse et Éric Zemmour qui prônent, pour la première un abattement de 50 % de la valeur de la résidence principale dans le calcul de l’impôt, pour le second une exonération de la résidence principale.
Marine Le Pen, elle, veut sa suppression et son remplacement par un impôt sur la fortune financière.
ISF
L’ISF par contre fait l’objet de toute l’attention de la gauche et de l’extrême gauche : rétablissement pour Fabien Roussel et Jean-Luc Mélenchon, application sur la totalité du capital pour Philippe Poutou, voire carrément expropriation des grandes fortunes pour Nathalie Arthaud.
À gauche toujours, Anne Hidalgo et Yannick Jadot veulent un ISF climatique.
Tandis qu’à l’extrême droite, Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) veut le rétablissement de l’ISF pour les très grandes fortunes.
Dans le même état d’esprit de défense du climat, Anne Hidalgo et Yannick Jadot veulent une surtaxe sur les placements liés aux énergies fossiles pour la première et une taxation des patrimoines supérieurs à 2 millions d’euros selon l’impact sur le climat pour le second.
Redevance audiovisuelle
Un téléspectateur sommeillant en chaque Français, la suppression de la redevance audiovisuelle apparaît dans les programmes d’Emmanuel Macron (La République en marche), Valérie Pécresse, Marine Le Pen et Éric Zemmour.
Droits de succession
Au motif que nous sommes une nation de paysans attachés au patrimoine, Emmanuel Macron annonce une réforme pour aider à transmettre les patrimoines modestes.
Même son de cloche chez Marine Le Pen qui veut supprimer les droits de succession pour les familles modestes et les classes moyennes, tandis que Valérie Pécresse propose de défiscaliser les successions jusqu’à 200 000 euros (100 000 euros en ligne indirecte) et que Anne Hidalgo opte pour une diminution de la fiscalité pour 95 % des Français avec exonération des successions jusqu’à 300 000 euros et augmentation pour les patrimoines supérieurs à 2 millions d’euros.
Annonçant, d’une part un alourdissement des droits de succession pour les plus hauts patrimoines, d’autre part qu’au-delà de 12 millions d’euros de patrimoine, il prend « tout », Jean-Luc Mélenchon est plus confiscatoire que Yannick Jadot, lequel se contente d’instituer un barème progressif pour abaisser ou relever les droits selon l’importance des successions.
Côté transmission de biens immobiliers, Marine Le Pen et Anne Hidalgo se rejoignent sur la suppression des prélèvements jusqu’à 300 000 euros de patrimoine.
Donations
Autre aspect de la transmission du patrimoine, les donations de 100 000 euros font l’objet d’une exonération de fiscalité « tout au long de la vie » chez Yannick Jadot.
Marine Le Pen va plus loin en proposant une exonération pour les donations des parents et des grands-parents jusqu’à 100 000 euros par enfant ou petit-enfant tous les dix ans.
Outre-Mer
Souvent oublié dans les débats politiques, l’Outre-Mer doit faire l’objet d’une politique fiscale spécifique pour Fabien Roussel, Anne Hidalgo y souhaitant pour sa part une réduction de la fiscalité sur certains produits essentiels.
LA FISCALITÉ POUR LES ENTREPRISES
Impôt sur les sociétés
Comme pour l’impôt sur le revenu, Marine Le Pen propose la suppression de l’impôt sur les sociétés pour les entrepreneurs de moins de 30 ans, pendant les cinq premières années de leur entreprise.
Éric Zemmour souhaite réduire l’IS à 15 % pour les petites entreprises, artisans, commerçants et agriculteurs, tandis que Yannick Jadot prône une harmonisation européenne avec taxation des multinationales à hauteur de 25 %.
Enfin, les sociétés qui associent les salariés à la gouvernance de l’entreprise et favorisent l’actionnariat salarié verront leur IS diminuer si Nicolas Dupont-Aignan devient président.
Territoires défavorisés
Deux candidats mettent un coup de projecteur sur les territoires défavorisés :
– Jean Lassalle avec ses zones franches et sa dispense de taxe foncière et d’IS pour les entreprises dont le siège est dans une commune de moins de 15 000 habitants.
– Valérie Pécresse avec son aide à l’investissement de proximité sous la forme d’un crédit d’impôt de 50 % sur les investissements des personnes physiques, jusqu’à 20 000 €, en actions ou en prêt sur cinq ans minimum, dans les entreprises implantées dans une commune de moins de 20 000 habitants.
Salaires / Smic
Consensus à gauche et à l’extrême gauche pour revaloriser le Smic : 15 % chez Anne Hidalgo, 1 400 euros net pour Jean-Luc Mélenchon, 1 800 euros net pour Philippe Poutou, voire 2 000 euros net chez Nathalie Arthaud.
À droite, Valérie Pécresse veut une augmentation des salaires nets de 10 % jusqu’à 2,2 Smic.
Cotisation foncière des entreprises (CFE)
Considérant la CFE comme une aberration, Marine Le Pen propose sa suppression pure et simple.
Impôts de production
Trop pénalisant pour nos entreprises, les impôts dits « de production » font l’objet du courroux de Valérie Pécresse, Éric Zemmour et Marine Le Pen, qui veulent les baisser pour les deux premiers, les supprimer pour la troisième.
À gauche, Yannick Jadot veut rétablir ceux qui ont été supprimés en 2021.
Nouveaux impôts
Outre l’impôt sur la fortune financière de Marine Le Pen et l’ISF climatique de Yannick Jadot et Anne Hidalgo cités plus hauts, trois nouveaux impôts font leur apparition dans les programmes.
L’un serait payé par les Français : l’impôt sur le capital des entreprises du communiste Fabien Roussel.
Deux seraient payés par les Gafam et les concurrents de nos entreprises nationales : la taxe numérique forfaitaire sur l’exploitation des données personnelles des internautes résidant en France de Nicolas Dupont-Aignan et une taxe carbone aux frontières de l’Europe souhaitée par Valérie Pécresse.
Le commentaire de Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’Épargne
« Les prélèvements obligatoires constituent un sujet d’une grande sensibilité en France. Les électeurs rêvent tous d’en payer moins, sachant que toute baisse suppose en face, soit des économies, soit des augmentations acquittées par d’autres.
En 2022, les propositions sont très diverses et visent avant tout à les alléger, même si certains candidats avancent l’idée de les alourdir pour certaines catégories de Français.
En matière de TVA, des candidats veulent des hausses pour dissuader le recours aux énergies fossiles, quand d’autres veulent des baisses pour restaurer le pouvoir d’achat des ménages. Il ne faut pas oublier qu’en la matière, un accord de la Commission de Bruxelles est nécessaire, tout comme pour l’instauration d’une taxe carbone aux frontières.
Plus hexagonal, l’impôt sur le revenu fait, lui aussi, l’objet de propositions clivantes. Ainsi, le souhait d’Éric Zemmour et de Valérie Pécresse de mieux prendre en compte les charges famille est assez traditionnel pour des candidats de droite, tandis qu’à l’opposé Jean-Luc Mélenchon veut relever les taux d’impositions des contribuables les plus aisés.
Marine Le Pen se distingue avec sa suppression de l’IR pour les jeunes de moins de 30 ans, mais cette mesure est avant tout symbolique, dans la mesure où de nombreux jeunes sont déjà exonérés
En matière de patrimoine, les candidats de gauche et écologistes sont pour le retour de l’ISF quand à droite, les candidats souhaiteraient un allégement de l’IFI. Pour un impôt sur le patrimoine vert, le contenu reste à définir. Est-ce que les investissements seront appréciés en fonction de leurs émissions de gaz à effet de serre ? Chaque ménage devra-t-il faire un bilan carbone ?
Dans la mesure où une très large majorité des Français veulent un allègement des droits de succession et de donation, quelle que soit d’ailleurs leur origine sociale, il n’est pas étonnant que de nombreux candidats leur emboîtent le pas en prévoyant de relever l’abattement de 100 000 euros ou en améliorant le régime des donations. Parmi les principaux candidats, seul Jean-Luc Mélenchon propose un alourdissement important visant les patrimoines élevés.
Plusieurs candidats demandent la suppression de la redevance audiovisuelle qui fait l’objet d’une contestation depuis de nombreuses années.
Au niveau des prélèvements obligatoires, l’imagination n’a pas de limite mais il faut bien avoir conscience que toute baisse pose le problème du financement des déficits.
Toute hausse, même si elle concerne les entreprises, le carbone ou les importations, aboutit à une diminution du pouvoir d’achat des ménages.
Il ne faut pas oublier que, comme le disait Alain Madelin, ce n’est pas parce qu’on va mettre un impôt sur une vache, que c’est la vache qui va payer l’impôt. Autrement dit, on peut toujours taxer une entreprise, c’est au final le salarié (moins d’embauche, moins d’augmentations de salaires…), le consommateur (prix plus élevés…) ou l’actionnaire (moins de dividendes…) qui paieront la note… »