Bien vieillir, c’est vivre le plus longtemps possible en bonne santé. Un enjeu pour chacun de nous à titre personnel, mais aussi un enjeu collectif, dans la mesure où le vieillissement de la population mondiale – un phénomène encore jamais constaté dans l’histoire de l’Humanité – nous lance un incroyable défi. Invités de la nouvelle émission d’AMPHITÉA écho, Serge Guérin, sociologue et expert des questions relatives au vieillissement et Cécile Vinot, responsable marketing Offres et Services d’AG2R LA MONDIALE, décryptent la réalité du vieillissement, pointent les domaines où il va falloir le prendre en compte et évoquent aussi des pistes de solutions.
Informer, sensibiliser, accompagner, prévenir le risque financier en besoins et dans le temps, valoriser l’expérience et la capacité à transmettre, développer la prévention ou encore adapter les logements et les villes… autant de domaines où il va falloir agir, et très vite !
L’AVIS DE L’EXPERT
“Il faut réfléchir à soi, se poser les bonnes questions et en parler avec son entourage”
Pour le sociologue, professeur à l’Inseec GE, Serge Guérin, membre du conseil scientifique du Cercle de l’Épargne, nous acceptons l’idée de la mort, mais nous sommes mal à l’aise avec la vieillesse qui nous y conduit.
Serge Guérin, sociologue, professeur à l’Inseec et membre du Conseil scientifique du Cercle de l’Épargne, partenaire d’AMPHITÉA.
On évoque souvent le tabou qui entoure la mort, mais n’y en a-t-il pas un aussi autour de la vieillesse ?
Dans notre société d’hyper performance, tout ce qui touche à la vieillesse, à la fragilité, à la maladie, sonne comme un aveu d’échec. La vieillesse est comme une irruption du réel qu’on a du mal à accepter. Aujourd’hui, si on est malade prématurément, si les marques du vieillissement se font trop visibles, on est considéré comme un raté. Nous espérons, moi le premier, mourir centenaire, d’un coup, mais « en bonne santé » comme si on avait encore 25 ans !
D’où vient ce diktat de la jeunesse ?
Nos sociétés – et ça remonte à loin ! – célèbrent, la jeunesse, le neuf, la modernité, le progrès… Pour les objets comme pour les êtres humains. Certains ont même la tentation de limiter le droit de vote à partir d’un certain âge, au prétexte que ce sont les jeunes qui sont les plus concernés par les problèmes actuels, d’environnement notamment. Comme si les personnes âgées ne subissaient pas elles aussi le réchauffement climatique ! Comme si on ne pouvait pas apporter son expérience pour contribuer à la transition écologique. Comme si les plus âgés n’étaient pas concernés par le futur de leurs enfants, des plus jeunes. On sacralise la bonne santé, la performance, la technologie, et on associe l’investissement à la jeunesse. Mais la vieillesse, si elle coûte cher, a aussi un rôle important à jouer dans la société.
Cette dévalorisation de la vieillesse ne vient-elle pas aussi des personnes âgées elles-mêmes ?
Oui la personne âgée a tendance à nier son état, voire à ne pas en prendre conscience du tout, lorsqu’elle rencontre des problèmes neurologiques. Il y a une forme de déni, l’envie de ne pas voir et de reporter à plus tard le traitement des problèmes, comme l’adaptation de son logement par exemple. C’est un comportement très humain. Et puis, les anciens issus de la génération des devoirs, celle de la guerre et de l’après-guerre, ont été élevée dans l’idée de ne pas se plaindre, qu’on ne doit pas être une charge pour les autres, à commencer par ses enfants. Cette génération va être remplacée par des seniors dont la culture a évolué des devoirs vers les droits. Ils vont être plus revendicatifs. Ils peuvent aussi s’impliquer plus, utiliser les réseaux sociaux, les mobilisations de proximité, investir dans leur qualité de vie…
Par exemple ?
Une partie de la réponse passe certainement par plus de prévention. Il faut aider chacun à saisir les avantages d’une alimentation équilibrée et d’une activité physique…
Il faut apprendre aussi à mettre des mots sur ce qui survient ou risque de survenir ?
Oui, on n’ose pas… on cache aux autres, et on se cache à soi-même, les problèmes en se disant « on verra plus tard ». Alors qu’il faut en parler, y réfléchir, en amont. Cette réflexion concerne toute la famille. On peut, par exemple, faire des choix professionnels en tenant compte de l’éloignement géographique qui ne facilite pas la solidarité familiale et intergénérationnelle.
N’est-il pas finalement plus facile de parler de la mort avec ses proches, plutôt que de la vieillesse ?
Nous allons sans doute plus facilement évoquer la mise en place d’une convention obsèques qu’envisager le risque de tomber un jour dans la dépendance. Nous acceptons l’idée de la mort, mais sommes mal à l’aise avec la vieillesse.
Que dire aussi de la nouvelle vie de couple qu’implique la retraite ?
Le passage à la retraite est déjà une rupture très lourde pour soi-même. Comment vais-je remplir le vide, occuper mon temps ? Quelle va être mon utilité sociale ? La retraite est à la fois une rupture, mais aussi une continuité : la personne ne change pas. Si elle était ouverte, passionnée et curieuse elle conduira de la même manière sa vie à la retraite. Reste que c’est une étape qui renvoie quand même vers la fin de la vie.
En ce qui concerne le couple, j’ai rencontré un jour pour une enquête une dame qui m’a dit : « Je me suis mariée pour le meilleur et pour le pire, mais je ne pensais pas que c’était aussi pour prendre tous mes repas avec mon mari… »
Pour pouvoir vivre 24h sur 24 avec son conjoint, il faut que chacun se ménage du temps personnel et il faut aborder les problèmes à deux, surtout si l’un vieillit plus vite que l’autre. Lors des confinements, des sociologues prédisaient un baby-boom. Moi j’ai plutôt annoncé un divorce-boom, en pensant à ce que j’avais analysé du passage à la retraite.
On en revient à cette nécessité de poser les mots…
Dans tous les cas, oui. Il faut réfléchir à soi, aller vers les autres, se poser les bonnes questions et en parler avec son entourage… La retraite, la maladie, la vieillesse s’inscrivent aussi dans le projet de vie que nous partageons avec nos proches.