L’avis de l’expert
Comment définir la pierre papier ?
Cette expression désigne l’accès à des placements immobiliers par l’achat de parts de sociétés, et non pas par l’achat d’un bien immobilier en direct.
Pour un épargnant, investir dans la pierre papier, c’est devenir, via un investissement qui peut être modeste, co-propriétaire dans un ensemble immobilier, dont la construction ou l’acquisition nécessite un financement très important : immeuble de bureaux, galerie commerciale, hôtel, plateforme logistique, entrepôt, maison médicalisée, résidence étudiante, etc.
Quelles sont ces sociétés qui permettent d’investir dans l’immobilier ?
Elles peuvent avoir trois formats juridiques : Société civile de placement immobilier (SCPI), Société civile immobilière (SCI) ou Organisme de placement collectif immobilier (OPCI). On investit dans ces sociétés en acquérant des unités de comptes immobilières.
On peut aussi évoquer les foncières cotées, sociétés spécialisées cotées en bourse, mais celles-ci ne sont pas assimilées à la pierre papier dans la mesure où on y investit via des titres et non pas via des unités de compte.
Ce sont les SCPI qui pèsent le plus sur le marché avec un encours d’environ 90 milliards d’euros fin 2022. Les SCI et les OPCI affichent quant à elles des encours de 17,1 milliards d’euros chacune.
Au sein de ces trois catégories, on trouve des sociétés dont les actifs représentent plusieurs milliards, d’autres plus petites, car proposant une gestion plus spécialisée et plus fine, qui ne pèsent que quelques centaines de millions d’euros.
Quel est l’intérêt d’investir dans la pierre papier ?
Le premier avantage est d’investir dans des typologies d’immeubles très variées, auxquelles on ne pourrait pas accéder seul.
Le deuxième avantage est qu’on est déchargé de la gestion des biens : recherche de locataires, encaissement des loyers, travaux, mises aux normes…
Enfin, elle permet de diversifier son épargne avec une classe d’actifs qui étend le champ du possible.
Il existe une palette extrêmement large de types d’immobilier qui permet cette diversification.
En matière de placement, on connait l’attachement des Français à la pierre. Cet engouement englobe-t-il la pierre papier ?
Le principal attrait de la pierre, c’est qu’elle est tangible. Quand on achète sa résidence principale, on voit tous les jours très concrètement dans quoi on a investi.
La pierre papier est moins tangible, néanmoins, on peut connaître la localisation du bien, son positionnement dans l’actif, l’exploitant, le gérant…
A contrario, quels sont les inconvénients de la pierre papier ?
Cette épargne n’est pas liquide. Contrairement à une société cotée en bourse dont la valeur liquidative est évaluée quotidiennement, une SCPI a besoin de temps pour céder un bien, d’où une valeur liquidative annuelle.
C’est d’ailleurs pour pallier ce problème que les OPCI ont été créées. Un OPCI détient 60 % d’immobilier physique et 40 % de valeurs mobilières en unités de compte classique et bénéficie de ce fait une valeur liquidative tous les 15 jours.
On comprend donc que pour investir dans la pierre papier il faut raisonner sur le long terme !
Comment AG2R LA MONDIALE se positionne-t-il vis-à-vis de la pierre papier ?
Le Groupe intervient de deux manières. Tout d’abord, son Actif général est investi à hauteur de 7 à 8 % dans l’immobilier.
C’est ce qu’on appelle l’immobilier de placement Groupe.
Par ailleurs, pour satisfaire aux attentes de nos clients, nous avons sélectionné avec exigence des supports de pierre papier, gérés par des sociétés d’asset management spécialisées en immobilier ; ces supports sont donc accessibles dans nos contrats pour les clients désireux de se positionner sur cette classe d’actifs.
Nous sommes fin 2023, où en est le marché de la pierre papier ?
Soyons clairs, il y a un drapeau orange actuellement sur le marché ! Et pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, la crise sanitaire de la Covid 19 a installé durablement le télétravail dans les habitudes des entreprises, ce qui a bouleversé l’univers de l’immobilier de bureaux avec une tendance à la réduction des surfaces accompagnée d’une modification des usages.
Ensuite, la nouvelle réglementation énergétique en termes d’isolation et de consommation impose une mise aux normes coûteuse.
Répercutée sur le coût de la construction et le pouvoir d’achat des ménages, l’inflation joue également un rôle négatif.
À cela s’est ajoutée la remontée des taux pesant sur le crédit et son coût.
Ce cocktail se traduit sur le marché, d’une part à travers des conditions d’accès restreintes au crédit, d’autre part sur la valorisation de nombreux biens revue à la baisse.
Et quand vous devez céder un bien dans ces conditions, en tant qu’asset manager vous dévaluez in fine la part de votre SCPI ou de votre SCI. Très concrètement le marché est donc confronté actuellement à des dévalorisations.
Ce phénomène ne touche pas tous les types d’immobilier et plus que jamais il est important de rappeler que la stratégie et la qualité du portefeuille de biens dans votre support pierre papier fait la différence.
Concrètement, comment se traduit cette crise ?
Les SCPI accusent une baisse de rendement de 30 à 40 % en 2023 et les OPCI affichent des performances négatives alors qu’ils avaient déjà fini l’année 2022 dans le rouge en raison de la baisse des cours de la bourse.
Quels conseils donner aux adhérents d’AMPHITÉA ?
Je leur dirai tout d’abord que, malgré les crises, la pierre papier, plus globalement l’immobilier, présente une courbe ascendante sur 50 ans. Il faut donc s’inscrire dans un cycle long en distinguant les crises passagères des tendances de fond.
À partir de là, il n’y a pas de recette miracle… Il faut bien choisir la typologie des biens dans lesquels on place son argent, isoler dans son épargne les sommes investies pour tenir compte du fait qu’elles sont immobilisées, ne pas se surexposer, adapter son investissement en fonction de son horizon d’épargne et des contraintes du support… Surtout il faut recourir aux conseils de spécialistes !