La déferlante de l’intelligence artificielle générative (IA générative)1 est partout depuis la mise en ligne de l’agent conversationnel de l’entreprise américaine OpenAI. 80% des 500 plus grandes sociétés au monde utilisent ChatGPT2.
Pour générer des comptes rendus de réunion, en faire des synthèses et les partager à l’ensemble des collaborateurs en un clin d’œil.
Pour trouver des idées de plans, s’inspirer lorsqu’on doit écrire un discours et que l’on fait face à l’angoisse de la feuille blanche. Ou encore pour générer des images dans les phases de travail pour concevoir des films ou supports de communication.
Dès 2024, 40% des applications d’entreprise intégreront l’IA conversationnelle (contre moins de 5 % en 2020)3 alors que 86% des dirigeants IT pensent que l’IA générative aura un rôle important dans leur organisation dans un futur proche4.
L’IA menace-t-elle réellement les emplois des cadres ?
Deux études en particulier inquiètent : celle de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) qui prédit qu’un emploi sur trois serait menacé par les avancées technologiques liées à l’intelligence artificielle.
24% des métiers seraient ainsi touchés dans les dix années à venir, 9% d’entre eux risqueraient carrément de disparaître5
De leur côté, les économistes de Goldman Sachs annoncent que les derniers développements de l’IA générative pourraient automatiser jusqu’à 300 millions d’emplois à temps plein dans le monde.
En France, le cas d’Onclusive, société spécialisée dans l’analyse informationnelle, a fait couler beaucoup d’encre lorsqu’on a appris qu’elle préparait un plan massif de licenciement pour remplacer ses salariés par des outils d’IA6.
Alors, faut-il vraiment craindre de se voir remplacer par une intelligence artificielle ? Les experts se veulent rassurants.
Pour Luc Julia, auteur de L’intelligence artificielle n’existe pas, « L’IA n’est qu’un outil qui va faire évoluer les métiers, comme ils le font depuis des centaines d’années. Certaines tâches seront supprimées, d’autres modifiées, d’autres créées”7. »
En France, la première étude qualitative mesurant l’impact sur les entreprises françaises, réalisée par EY-Fabernovel, semble confirmer cette intuition. L’IA ne devrait pas détruire d’emplois mais 90% des métiers seront transformés, au plus tard d’ici à cinq ans8.
Mais de quels métiers parle-t-on ?
Pour Stefano Scarpetta, directeur de recherche à l’OCDE, « les jobs automatisables concernent des jobs intellectuels supérieurs, du tertiaire, contrairement aux précédentes révolutions industrielles qui ont causé des destructions d’emplois ouvriers9. »
L’étude EY-Fabernovel prédit que 10% des métiers subiront un fort impact avec l’arrivée des nouvelles IA : les professionnels de l’écrit, du marketing, les clercs de notaire, les consultants ou des développeurs informatiques, vont voir leurs tâches bouleversées.
Mais pour 80% des métiers, l’impact ne sera que modéré. Seules certaines tâches (notamment les plus répétitives) pourront être automatisées tandis que « le cœur de l’emploi ne changera pas ».
Si les études affirment que l’IA peut augmenter significativement la productivité10, encore faut-il savoir s’en servir.
Sur LinkedIn, les nouveaux experts en prompts (commande écrite qui sert de consigne) pullulent.
Peut-être les futurs ingénieurs en prompt sont-ils l’un des métiers que cette révolution technologique pourrait faire naître ?11
Car parler et donner des consignes à une IA générative n’est pas aussi simple qu’il y paraît.
Les entreprises françaises ont tout intérêt à former et accompagner leurs collaborateurs afin qu’ils soient à même de l’utiliser de la meilleure des façons.
Cette maîtrise ne va pas sans une compréhension pointue des limites de l’outil. Le robot conversationnel est loin d’être infaillible.
Les premières études sur le sujet pointent de nombreux défauts et des erreurs de plus en plus nombreuses dans les résultats à mesure que les requêtes se complexifient12.
Ce n’est pas tout, une étude de NewsGuard qui s’est penché sur les robots conversationnels d’OpenIA et de Google (Bard)13 pointe leur tendance à intégrer les fausses informations dans leurs réponses et à en générer aisément.
En mai dernier, un quotidien irlandais s’excusait après avoir relayé une fausse information produite par une IA.
Au-delà du coût de l’outil – que toutes les organisations ne pourront pas se permettre, du déploiement technique, de l’acculturation qu’il implique, et des questions éthiques vertigineuses qu’il soulève, les enjeux sont massifs.
L’IA impactera directement ou indirectement les modèles économiques et la gouvernance des organisations. Ce nouvel assistant algorithmique pourra, enfin, être un élément différenciant de compétitivité de l’entreprise vis-à-vis des concurrents qui n’attendront pas pour s’y mettre !
1. L’intelligence artificielle générative (IA générative) est une catégorie d’IA qui génère des contenus (texte, code, photos, vidéos, données) à partir de grandes quantités de données sur lesquelles ils ont été formés. Elle connaît un boom depuis que le chatbot conversationnel ChatGPT d’OpenAI et le générateur d’images DALL-E ont été rendus accessibles au grand public.
2. Source : openai.com
3. What’s New in Artificial Intelligence from the 2023 Gartner Hype Cycle, Gartner, 17 août 2023.
4. “As IT Demands Rise, New Data Reveals Importance of Automation and Generative AI” Salesforce, 20 juillet 2023.
5. Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2023, Intelligence artificielle et marché du travail, 11 juillet 2023.
6. Chez Onclusive, un des premiers plans massifs de licenciement dus à l’IA en France, Libération, 14 septembre 2023.
8. Dossier « Intelligence artificielle : quel impact sur l’avenir du travail ? », L’Obs, 3 octobre 2023.
9. Étude EY-Fabernovel, ibid.
10. entre 14 et 35% sr: https://www.nber.org/papers/w31161
11. Intelligence artificielle : ces 7 nouveaux métiers innovants qui rapportent, Les Echos, 5 octobre 2023.
12. Les défauts de ChatGPT sous la loupe des scientifiques, Le Monde, 18 octobre 2023.
13. Mis à l’épreuve, ChatGPT d’OpenAI et Google Bard continuent de propager des informations erronées, NewsGuard, 8 août 2023.